L'Égarée de Castel-Fizel

Au cours de l'Assemblée Générale  d'Arts en Fenouillèdes en août 2022, il est envisagé de produire un spectacle théâtral à Caudiès pour l'été suivant. Dans les archives du Musée Virtuel est retrouvée la pièce de Joseph Armagnac  "La Folle de Castel-Fizel" qui est proposée à sa présidente Andrée Tricoire.  Celle-ci se met aussitôt à remanier l'architecture du texte  pour faciliter le jeu des futurs acteurs, tout en restant au plus près du texte.

Voici le résultat intitulé "L'Égarée de Castel-Fizel".

 

                                                                            Narrateur

En préambule de sa pièce, publiée dans le « Messager de Notre-Dame de Laval » en 1936, Joseph Armagnac notait que « ce drame historique, sans prétention aucune, avait été composé dans le seul but de faire connaître aux Fenolietens un épisode de l’héroïque résistance de Fenouillet lors du rattachement du Languedoc au domaine royal ».

L’action débute en l’an 1304 de notre ère. Près d’un siècle auparavant, Innocent III avait prêché la croisade contre l’hérésie cathare solidement implantée sur nos terres du Languedoc. Une armée, confiée au légat Arnaud Amaury, avait alors fondu sur notre pays. Après la chute de Béziers et de Carcassonne, Arnaud Amaury avait confié les terres de Raymond Roger Trencavel à Simon IV de Montfort, à charge pour lui de poursuivre la lutte contre l’hérésie.

De nombreux seigneurs locaux, dont les vicomtes de Fenouillet, s’unirent au comte de Toulouse qui s’était retourné contre la croisade. Ils furent vaincus à Muret, en 1213, par Simon de Montfort ; bataille dans laquelle mourut aussi le roi d’Aragon.

Poussés à bout par la répression, à l’été 1240, de nombreux seigneurs languedociens prirent à nouveau les armes. Raymond Trencavel, fils de Raymond Roger, à la tête de nombreux faydits venus du Razès, du Carcassès et du Fenouillèdes surgirent des Corbières et tentèrent de reprendre Carcassonne. Ils échouèrent face au sénéchal Guillaume des Ormes. Accusés de félonie, ils s’étaient exilés sur les terres du roi Jayme, alors que certains seigneurs, restés fidèles au roi, conservèrent leur domaine.

Hugues, le dernier vicomte de Fenouillet, mourut sous les murs de Valence en 1261. Au moment où débute cette pièce, ses descendants intriguaient encore pour retrouver leurs possessions du Fenouillèdes.

Et maintenant, place à l’action. (Trois coups)

 

 

 

ACTE  I

Le narrateur : notre histoire se déroule sur vingt ans.
Au début de la pièce, nous sommes en avril de l’an de grâce 1304
dans une salle du château de Roquetaillade à une lieue d’Alet. Nous sommes en présence de Bérangère, la châtelaine. Entre Gilles de Roquetaillade, son époux.

 


Musique d’ambiance

 

 

                               ACTE I, Scène1: Gilles et Bérangère de Roquetaillade  (PROLOGUE)

 

 Gilles.- Eh bien ! comment vas-tu, chère Bérangère ?

 

Bérangère - Beaucoup mieux, cher Gilles, merci ; bientôt, je pourrai sortir et reprendre mes occupations

 

 

Gilles -  Je viens de voir notre gros garçon. Il est superbe à seulement douze jours. Je le regardais dormir. Que c’est beau le sommeil d’un enfançon ! Je remercie Dieu de nous avoir donné un rejeton qui fera honneur, j’espère, à la famille des Roquetaillade.

Regarde, mamie, ce que je t’apporte pour te remercier de  cette naissance de ce garçon si attendu!

(il sort de sa poche un anneau)

Bérangère.- Oh ! le bel anneau d’or ! et quelle magnifique émeraude ! ... que tu es bon, mon cher Gilles et que je t’aime !! (elle l’embrasse) mais c’est une folie en ces temps de disette!

Gilles.-Non, je suis trop heureux de te faire plaisir, ma Bérangère. Mets cet anneau à ton doigt et garde le toujours précieusement. Cet anneau, vois-tu,me vient de ma mère qui le tenait de son père, Hugues de Fenouillet, le valeureux Templier.  Regarde ces armoiries gravées sur la pierre : deux triangles entrelacés, le symbole de la sainte Trinité et l’insigne de l’ordre des Templiers. Mon grand-père maternel l’avait toujours à son doigt et il lui porta chance dans tous les combats qu’il livra aux Francimans. Il le donna à ma mère, lors de son mariage avec mon père, Géraud de Roquetaillade ; c’est donc là un précieux souvenir de famille et sa perte présagerait un grand malheur pour nous.

Bérangère.- (mettant l’anneau) Sois sans inquiétude, cher Gilles. Il tient solidement à mon doigt et ne pourra s’en détacher. Il y restera jusqu’à ma mort. Il ira ensuite à notre fils que nous allons appeler Géraud en souvenir de son arrière-grand-père, le glorieux Templier....(avec un soupir) Hélas ! pauvre petit qui vivra en des temps bien tristes !!

Gilles.- Oh oui ! Sa vie ne sera pas fière et libre comme celle de ses aïeux, il devra se soumettre aussi aux hommes du Nord, qui ont envahi notre beau pays, ont porté le fer, les tortures et le feu dans nos villes et nos campagnes et nous ont asservis.

Bérangère.- Que veux-tu,mon ami? Il faut se soumettre à cette destinée. Dieu a voulu que nous soyons les plus faibles. Il n’y a qu’à s’incliner.

Gilles .- (il s’assied) Evidemment, il faut s’incliner devant la loi du plus fort ; mais quand on songe que nos grands-pères avaient la vie si douce, qu’ils vivaient en paix dans les fêtes et les réjouissances, qu’au lieu

de se combattre comme des brutes, ils soumettaient leurs différends à l’arbitrage de quelque noble dame et que tout se terminait par des jeux, des tournois et des chansons !! Il régnait dans notre pays une civilisation élégante, gracieuse et légère. Les troubadours nous contaient les prouesses des Croisés en Palestine ; parfois des ménestrels nous chantaient des romances ou nous récitaient de jolis contes. Nos mœurs étaient douces comme notre climat. Nos paysans étaient heureux ; ils travaillaient dans la joie, sachant qu’ils profiteraient en paix du fruit de leur labeur. Il n’y avait nulle part ailleurs un pays plus riche, plus prospère et plus civilisé que notre beau Midi....

Bérangère.- Hélas, quand on voit ce qui se passe aujourd’hui !

Gilles.-.... Et maintenant, les Francimans sont les maîtres !! Sur le moindre soupçon, sur les dires méprisables d’un traître, les hommes d’armes du Sénéchal de Carcassonne arrivent brusquement, pillent, brûlent, tuent, emprisonnent...et ceux qui sont emprisonnés ne reviennent jamais !

Je ne suis qu’un tout petit seigneur et je ne puis rien empêcher ; mais il me semble que si un chef, un vrai chef se mettrait à notre tête...

Bérangère.- Chut, malheureux ! (elle se lève) veux-tu bien te taire! Ne sais-tu pas que les murs ont des oreilles ? Veux-tu nous faire arrêter et torturer ? Tu sais bien ce qui est arrivé à Béranger de Peyrepertuse, à Raymond de Niort, à Hugues de Caderone, le fier seigneur dont on disait pourtant : « Hugo, seignou de Caderouno, nou craignis res, or le que trouno » et tant d’autres valeureux chevaliers qui ont laissé deviner leur désir de résistance et que l’on n’a plus revus.

Gilles.- Tu as raison, Bérangère (il la rassoit) ; soyons prudents. Mais il est bien dur de se taire, de se soumettre et de voir son pays martyrisé par des étrangers si cruels. Si nous pouvions nous entendre, si nous avions un chef pour venger ceux que tu as nommés, qui ont été torturés et tués pour avoir voulu secouer le joug de nos vainqueurs et vivre libres dans leurs fiefs reconquis !

Bérangère.- Crois-moi, cher Gilles, il est bien plus sage de se taire, de se soumettre et de garder au fond de nos cœurs nos plus secrètes pensées. ....N’en parlons plus, veux-tu ? je suis si lasse. Essayons d’oublier.

Gilles.- Ne tinquiète pas...repose-toi...

 

Musique et changement de décor

 

 

Le narrateur :

A quelques temps et à quelques lieues de là, c’est le lendemain de la Saint-Jean. La veille, au crépuscule, des feux ont été allumés partout : sur la plus haute tour du fort de Caudiès, sur la terrasse de Notre-Dame de La Val, sur le donjon de Fenouillet, sur la tour carrée du château de Castelfizel. La nuit a été calme, semble-t-il. Et nous voici dans l’antichambre du château de Castelfizel.

 

ACTE I, Scène 2 

Jacquétou, Janot et Tiénot, bergers et le seigneur de Castelfizel

 


 

Jacquétou, Janot et Tiénot.- Messire, messire ! Messire Bernard !!
Bernard.- Oh
! mais qu’y a-t-il ? c’est quoi ce vacarme ?...que faites-vous là , tous les trois, aux aurores ?

Jacquétou.- Messire, c’est une chose incroyable...

Bernard.- Mais calme-toi, tu es tout tremblant !

Jacquétou.- Hier soir, messire, j’étais avec Janot et Tienot, on a allumé un feu tout près d’ici, au col de La Palme, on venait de s’endormir

Janot.- Faut dire qu’on avait bien bu et chanté pour la Saint-Jean...
Bernard.- Bon, comme d’habitude, et alors ?
Jacquétou.-
On venait de s’endormir comme je disais,
Janot.- lorsqu’on a été réveillés en sursaut par les aboiements furieux de nos chiens  (Tienot.- mime les aboiements)

Jacquétou.- et on a vu un spectacle terrifiant !

Janot. -Autour du feu, un femme encore jeune, jolie, à demi-nue sous quelques haillons, se chauffait et gambadait devant les dernières lueurs du bûcher qui s’éteignait...

Bernard.- Bon, jusque-là, rien de terrifiant...Les vapeurs du claret y sont certainement pour quelque chose...

Jacquétou.- Ne vous moquez pas, messire...

Janot.- Dès qu’elle nous vit, l’apparition disparut comme par enchantement d’un bond à travers les arbres et les rochers.

Jacquétou.- Il nous a fallu attendre les laudes pour réagir tellement nous avons été pétrifiés de terreur et Tiénot et Janot encore plus que moi !

Bernard.- Façon de parler !
Janot.-
C’est une apparition diabolique, messire Bernard,
Jacquétou, Janot et Tiénot (ensemble).- Oui, c’est le diable ! le diable !
Bernard.- (
moqueur) Bon, allons de ce pas nous assurer de l’existence de cette créature maléfique...

 

(Musique terrifiante)

 

Narrateur : plusieurs heures ont passé, nous sommes l’après-midi

dans la grand-salle du château de Castelfizel

 

 

Acte I, scène 3 : Bernard et Yolande de Castelfizel

 Yolande de Castelfizel est assise et file de la laine
Bernard de Castelfizel, son époux, fait irruption et reste debout`

 


Bernard de Castelfizel.- Oh ! quelle histoire, Yolande ! mais quelle histoire !
Yolande.-
Qu’y a-t-il ? Qu’est-il arrivé ? Tu m’effraies, raconte ! je brûle de savoir. (elle le fait asseoir)

Bernard.- Calme-toi, ma chérie, rien de très grave. Mais, c’est une aventure bien mystérieuse...

Figure-toi que mes trois bergers, Janot, Tienot et Jacquétou sont arrivés en courant dans la salle des gardes avant le lever du soleil, blêmes de terreur et tout tremblant. Ils ont demandé à me voire et ils ont fini par me dire qu’ils avaient vu le diable cette nuit sous les traits d’une femme.. 

Yolande.- Le diable !! Boun Diou ! Nous sommes perdus ! Nostro Damo, protégez-nous !

Bernard.- Mais non, mais non, ma chère Yolande, ne fais pas comme mes bergers, ne t’effraie pas. (il se lève)

Car, s’ils ont vu le diable, ce dernier s’est empressé de s’enfuir. Je suis parti immédiatement avec mes chiens et mes armes pour retrouver l’inconnue. J’ai emmené notre curé, le père Athamas, qui connaît tous les exorcismes, et pouvait ainsi nous préserver de tout maléfice. Après de longues recherches dont je te fais grâce, nous parvînmes dans le vallon le plus touffu de Boucheville. Nous sentions que nous étions sur la piste. Retenant les chiens, nous marchions sur les feuilles mortes avec des précautions de chasseurs à l’affût. (il mime la scène)

Tout à coup, nous nous arrêtâmes, retenant notre souffle, et nous fîmes le signe de croix. Le père Athamas récita à voix basse la prière de Saint Bonaventure qui rompt tous les maléfices. Debout sur le bord d’une source, une femme inconnue se mirait dans l’onde. A la voir si belle, on ne s’apercevait même pas de sa splendide et chaste nudité. Les sergents d’armes foncèrent sur elle comme sur une proie. Surprise, elle ne poussa pas un cri et ne proféra aucune plainte ; ses prunelles d’or dilatées par l’épouvante se mirent à briller, puis, elle se calma et garda un silence hautain. Et comme sa remarquable beauté était devenue plus humaine, on la recouvrit d’un manteau. On l’a portée sur un cheval. Elle est ici et je l’ai fait habiller décemment avec quelques-uns de tes vêtements.

Yolande.- Ah bon ! Et, quen penses-tu, mon ami ?

Bernard.- Eh bien, pas grand-chose à vrai dire mais jai remarqué qu’elle porte à un doigt de la main gauche une bague en or avec une grosse émeraude. Elle doit être de noble origine. Elle est douce, très triste et ne parle guère. Elle ne sait ni qui elle est, ni d’où elle vient. Qu’allons-nous en faire ?

Yolande.- (elle se lève) Mais, mon ami, ce n’est pas le diable, c’est le ciel qui nous l’envoie ! Gardons- la, soignons-la. Si, comme tu le crois, elle est d’une noble famille, on finira bien par la réclamer. En attendant, elle sera pour moi qui suis si seule quand tu t’en vas, sinon une compagne, du moins, une distraction. Je m’occuperai d’elle, de son esprit, de son âme. Je tâcherai d’adoucir sa tristesse. Vite, je veux la voir, va la chercher.

Bernard sort et ramène, accompagné d’un page, l’inconnue qui entre les yeux au ciel comme une hallucinée.

 

 

ACTE I, scène 4 : Bernard, Yolande, l’inconnue, le page

 

Yolande .- Asseyez-vous, madame et dites-moi si vous vous sentez bien ici

L’égarée.- Oh ! oui, Madame

Yolande.- Voulez-vous rester avec nous ? je vous soignerai comme une sœur et vous vous occuperez de mes enfants. Cela vous distraira.

L’égarée.- Oh oui ! Madame.
Yolande.- Y a-t-il longtemps que vous erriez dans les bois, seule et sans abri ?
L’égarée.- Je ne sais pas...
Yolande.- N’avez-vous pas des parents ? des enfants ? une famille ? comment vous appelez-vous ?

L’égarée.- Je ne sais pas.

Yolande.- Mais vous n’êtes pas née dans les bois, l'anneau quevous portez atteste d’une noble origine. (elle observe l’anneau). N’habitiez-vous pas un château pendant votre enfance ? 

L’égarée.- Je ne me rappelle pas...je ne sais pas...j’ai eu bien peur...bien froid...bien faim...j’ai bien souffert...C’est tout ce que je sais, Madame, ayez pitié de moi, ne me torturez pas, je suis si fatiguée...

Yolande.- Oui, ma pauvre amie, vous ne souffrirez pas ; nous aurons soin de vous comme d’une sœur. Maintenant, allez donc vous reposer, mon amie

Bernard.- Mais, il va falloir lui trouver un petit nom à cette gente dame

Yolande .Oui, bien sûr, que dites vous de...eh bien ...Aurore?

L’égarée.- Oh oui, Madame, tout ce que vous voudrez, Aurore me plaît, merci, Dieu vous bénira

Yolande.-(au page) Veuillez accompagner notre invitée dans la chambre de passage; je lui ferai porter une collation ce soir

 

Musique triste

Fin de l’Acte I

 

ACTE II

 

Le narrateur :

Nous sommes sept ans plus tard, en l’an 1311, dans la forêt de Castelfizel , au début de lautomne. Notre inconnue, qui répond donc au doux nom d’Aurore, passe lentement et tristement avec une fillette de cinq à six ans, qu’elle tient par la main.

C’est Avette, lafille des seigneurs de Castelfizel.

 

ACTE II, Scène 1 : Aurore et Avette

 

Aurore.- Viens, ma petite Avette, tu te plais bien avec moi ?
Avette.- Oh oui, madame, vous êtes si bonne, je vous aime comme ma maman.

 

Aurore.- (embrasse l’enfant) Chère enfant, mon rayon de soleil, moi aussi je t’aime comme si tu étais à moi ; va, amuse-toi (elle s’assied sur une souche). Ne t’éloigne pas trop surtout ; cueille des fleurs, fais un beau bouquet ; demain, nous irons à Notre-Dame. (l’enfant saute de joie) Nous porterons des provisions au curé pour les pauvres et nous offrirons les fleurs à la Vierge de la Val.

Avette.- Oh oui, que je suis contente, il me tarde d’être à demain (elle disparaît en dansant)

Aurore.-(la tête appuyée sur sa main, reste plongée dans sa rêverie et murmure) Lavierge de La Val...La vierge de La Val


                 Musique douce
Passe la paysanne, Catinou, un peu sorcière, portant un panier. Aurore ne la voit pas.

 

ACTE II, Scène 2 : Catinou, paysanne et Aurore

Catinou.- Que Diou vos gard, ma belle dame

Aurore (sursaute) .- Oh, c’est toi, ma bonne Catinou, tu m’as fait peur !!!

Catinou.- Moi ! je vous ai fait peur ! Pourtant, cela fait bien longtemps que nous nous rencontrons souvent dans les bois. Vous, toujours triste et moi, œuvrant sans cesse...

Aurore. Oui, Catinou, je te connais bien et je sais que tu es une brave femme, laborieuse, bonne mère defamille (tristement) mère de famille, oui... Je te revois toujours avec plaisir. Assieds-toi un peu près de moi, tu dois être fatiguée.

Catinou.- Ah ! pour sûr, oui, je suis fatiguée. Depeï laudes, j’ai lié et j’ai charrié des fagots de bois. Il faut penser à l’hiver. Je ne voudrais pas que mes petits enfants aient froid.

Aurore. Tu es une bonne grand-mère, Catinou et tu es bien heureuse de t’occuper de tes six petits orphelins.

Catinou.- Que vos ? il le faut bien depuis que mon fils et ma bru sont morts de morbilli ; malheureusement, mes traitements n’ont pu que soulager leurs souffrances mais n’ont pu guérir leur mal. (Elle pleure) Je suis heureuse quand mes petits se portent bien, mais quand ils sont malades comme l’a été le pitchoun, il y a trois mois, je vous avoue que ce n’est pas gai et je crains toujours le pire.

Aurore.- Oh, je sais que tu l’a bien soigné, Catinou et que tu as tes petits secrets... 7

 

Catinou .- C’est pour ça que je cueille aussi des simples depuis mâtines. Voyez mon panier en est rempli, du romarin, de la verveine et de la rue. Mais ce qui a sauvé Maïeul de son mal de ventre, c’est du thym en décoction et mes incantations. Il est vrai aussi que vous avez été bien bonne, madame, et que vous m’avez souvent donné du bon pain blanc pour lui. Pour qu’il ne meure pas de faim. Et je vous en suis très reconnaissante.

Aurore.- Ne parlons pas de cela, Catinou, je suis si heureuse de faire le peu de bien que je peux et surtout d’empêcher autant que possible les enfants de souffrir. J’envie celles qui sont mères et ont des enfants bien à elles. J’aime Avette de Castelfizel mais ce n’est pas ma fille. Ses parents sont si bons pour moi que je donnerais bien volontiers ma pauvre vie pour la petite Avette si c’était nécessaire. Mais hélas ! ne pas avoir de famille, ne pas avoir de pays, ne pas avoir de nom ! (elle soupire) Je ne sais pas qui je suis et sûrement, au moment où nous parlons, il y a quelque part une mère, un mari, un enfant peut-être qui me cherchent ou, pire, qui croient que je ne suis plus et qui prient pour moi. Mon Dieu, que c’est triste ! mais que c’est triste ! (elle essuie une larme)

Catinou.- Allons, Madame, voilà les idées noires qui vous reprennent, séchez donc vos larmes. Vous n’êtes pas seule que diantre ! Vous êtes chez des seigneurs, les meilleurs du pays, qui vous considèrent comme leur sœur. Mlle Avette vous considère comme sa mère. Voilà votre famille et puis, vous ne manquez de rien. Croyez-moi, moi, je suis un peu devineresse, un jour viendra, peut-être très proche, où vous retrouverez les vôtres...Vous savez la terrible répression qui a suivi, il y a sept ans, l’insurrection du Fenouillèdes et du Razes contre le cruel Sénéchal de Carcassonne, l’impitoyable Brisetestes. Des seigneurs du pays, dont peut-être votre famille, ont pu échapper à la torture et à la mort et ont réussi à travers mille dangers à gagner en Roussillon les terres de leur ami, le roi Jayme. Peut-être reviendront-ils en force reprendre leurs domaines ou seront-ils rappelés par le Roi de France qui leur accordera son pardon. Ainsi, vous pourrez alors retrouver les vôtres.

Aurore.- Ma chère Catinou, je te remercie de tes bonnes paroles qui me redonnent toujours un faible espoir. Mais comment veux-tu que je retrouve les miens puisque j’ai tout oublié, mon nom, ma famille, mon pays, mon âge, qui je suis...Non, je traînerai jusqu’au bout mon existence solitaire et pitoyable, accablée de souffrances morales bien plus dures que les souffrances matérielles. J’envie ta pauvre chaumière, Catinou, ta famille, tes petits-enfants .Souvent, ils ont froid, ils ont faim parfois, mais par ton travail acharné, tes privations, tes remèdes, tu finis toujours par les soulager et lorsque ton plus jeune petit-fils accourt vers toi, souriant, les bras ouverts, je suis sûre que tu es la plus heureuse des femmes. Tandis que moi...moi...Au début, Catinou, durant des nuits entières, mes sanglots ont retenti comme des clameurs. Et puis, peu à peu, je me suis apaisée ; mais ma pensée est toujours absente. On a tout fait pour me distraire, pour éveiller mes souvenirs, éclairer mon visage de pâles sourires désenchantés. Je demeurais assise devant une fenêtre des heures entières, et mes yeux alanguis, cernés par les pleurs, contemplaient d’étranges visions dans le ciel. Les soirs d’hiver, près du feu dans la grand-salle du château, je n’entendais pas les conversations, j’écoutais les hurlements de la bise dans les arbres, le battements des volets, le grincement des girouettes et les rudes batailles des éléments déchaînés dans la montagne. Des soupirs que mon triste sourire ne pouvait expliquer me maintenaient dans l’angoisse perpétuelle d’une souffrance sans fin.

Catinou.- Pauvre enfant...

Aurore.- Je me suis enfin un peu intéressée à la vie. Je me suis attachée à la jeune Avette. Mon cœur a besoin de tendresse et j’ai donné à cette enfant tous les trésors d’une affection maternelle. Je suis la confidente de ses premières pensées. Souvent, je vais avec elle jusqu’à l’église Saint-Jaume, traînant mes pas errants aux pieds du vieux saint de bois, que je prie avec ferveur, engourdissant ma peine dans de longs agenouillements.

 

Ou bien, je vais au fond des bois jusqu’à une lointaine et solitaire source moussue, fleurie d’iris, regarder dans l’eau ma face mélancolique et alanguie par mon interminable chagrin !!

Catinou.- Pauvre dame, que je vous plains ! mais espérez toujours, espérez...Et puisque mes séances de désenvoûtement par le sel ont été vaines, la Vierge de La Val que peu invoquent en vain, il faut bien le dire, finira par avoir pitié de vous.

Aurore.- Je la prie ardemment, Catinou, et moi aussi j’ai en elle une foi inébranlable. Allons, ne bavardons pas plus longtemps, Catinou, va rejoindre ta nichée qui d oit t’attendre avec impatience .

Catinou.- Oui, mais avant cela, permettez que je vous donne ceci. ( Elle sort une sorte de racine d’une aumônière attachée à sa ceinture)

Aurore.- Qu’est-ce ?

Catinou.- Ah ! cest ma dernière arme, je le crains, une racine de mandragore que j’ai eu bien du mal à trouver et à extraire au pied du gibet, je l’ai lavée et fait macérer dans un linge aussi blanc qu’un linceul. Gardez-la précieusement sur vous, elle vous portera chance, exaucera vos souhaits. Et, sans doute, retrouverez-vous la mémoire. Adissias, Madame et ayez confiance !

Aurore.- Adiou, Catinou

 

ACTE II, Scène 3: Aurore

Aurore.- Mon Dieu, que c’est triste d’en arriver à ces sortilèges...Catinou les aura tous essayés.

Ne pas savoir si j’ai eu, moi aussi un enfant bien à moi ! Dieu, que je l’aurais aimé ! Je ne puis rien savoir, rien me rappeler ! où étais-je avant d’être recueillie par les charitables seigneurs de Castelfizel, si bons pour moi ? Quel est mon pays, où sont mes parents, quel est mon nom, mon âge ? Rien...je ne sais rien...je ne me souviens de rien...je ne suis rien...

(Elle lève les yeux au ciel) C’est affreux, que je suis malheureuse ! (Elle joint les mains) Bonne vierge, faites que je me souvienne ! (Elle tombe à genoux)

Oh, Marie de La Val, mère des affligés, aie pitié de moi, la plus respectueuse, la plus aimante, la plus malheureuse de tes filles ! Pour l’amour du ciel, fais que je me souvienne !

Jette sur moi tes regards miséricordieux, belle Madone, rends -moi une famille, Vierge de douceur, de bonté, de tendresse et d’amour !

Toi qui donnes du pain aux malheureux, toi qui vois mes souffrances du haut de ta colline, que ton sourire me protège et dure comme le signe éternel de la grâce et de l’espoir qui ne peuvent mourir.

Tu m’as laissé un cœur pour t’aimer et te vénérer. Rends-moi une âme pour savoir qui je suis et retrouver ma famille.

J’ai foi en toi, mère des affligés, aide-moi. Guéris mon cerveau endolori par les malheurs et les souffrances. Fais que je me souvienne, Sainte Mère de Dieu. Donne -moi une famille !!

(Elle fait une pause pour méditer)

Musique douce 

 

Lorsque tu resplendis dans la gloire mourante du jour, lorsque le soir s’éteint sur les monts violets des Corbières et que les nuits d’été te tressent des couronnes d’étoiles, toi qui veilles sur Caudiès endormi à tes pieds, toi qui veilles sur tous, sur tous ceux qui te prient, Madone gardienne du Fenouillèdes, mère des affligés, fais que je me souvienne !

Donne-moi ma famille ! Oh, Marie de La Val, que je me souvienne ! ...que je me souvienne ! ...

(Elle se tord les bras de désespoir, en criant)
Aide-moi, Nostro Damo de la Pietat, fais que je me souvienne !! (Elle s’écroule en sanglotant)

 

Acte II, scène 4:

Avette revient,  regarde Aurore de loin puis la prend dans ses bras

Avette.- Aurore, ma chère petite maman que jaime tant, ne sois pas triste !

Elles séloignent lentement

Musique mélancolique

 

Fin du II ème Acte

 

 

 

Acte III

 

Le narrateur :

Par un beau matin clair de septembre 1323, à l’heure où la lumière frisante du soleil accroche au flanc des vallons de grandes ombres diaphanes, une petite troupe de gens à cheval grimpe le long du sentier périlleux et escarpé qui conduit au Castel Fizel.

Pendant ce temps, dans une salle du château, Bernard et Yolande causent aimablement.`

 

 

ACTE III, Scène 1 :

Bernard (s’entraîne à un jeu de cartes) et Yolande ( brode un ouvrage)

 

Bernard.- Avette va avoir dix-huit ans ; elle est parfaite et nous comble de satisfactions.

 

Aurore que nous avons recueillie il va y avoir vingt ans à la Saint-Jean s’est attachée à elle et a été pour elle une seconde mère. ; elle t’a bien aidée à en faire une demoiselle accomplie.

Yolande.- Oui, j’en suis très heureuse ; mais mon bonheur est assombri par l’idée qu’il faudra se séparer d’Avette un jour prochain. Je me suis aperçue que des jeunes seigneurs du voisinage la trouvent à leur goût et que tous les motifs sont bons pour venir à Castelfizel.

Bernard.- Que veux-tu ? c’est le sort commun à toutes les jeunes filles. Elles quittent leur famille pour en fonder une autre. Mais, sois tranquille, nous lui choisirons le mari qui la méritera et la rendra heureuse, espérons-le. Elle nous donnera des petits-enfants et fermera nos yeux le moment venu.

Yolande.- Oui, mon ami. Notre vie jusqu’ici n’a pas été malheureuse comme celle d’Aurore.

Bernard.- Nos grands-parents ont compris de bonne heure que toute résistance au roi de France était impossible. Nous nous sommes les premiers ralliés à sa cause. Nous l’avons soutenu et nous lui sommes restés fidèles. Ainsi, nous avons été maintenus en possession de nos domaines. Notre famille et notre château ont mérité le nom de Castel fizel, château fidèle, qui nous a été donné par le roi.

Les seigneurs de Fenouillet d’autres de la région nous en ont voulu bien longtemps ; mais peu à peu, le calme est revenu grâce à des mesures de clémence ; et tous sont maintenant fiers d’être les vassaux d’un roi puissant qui sait se faire aimer et respecter et aussi d’appartenir au noble royaume de France.

Yolande.-Oui, cela nous a valu une vie calme et paisible. Nous avons pu faire un peu de bien et recueillir la pauvre inconnue, si douce, si distinguée, que nous av ons soignée et dont l’état s’est heureusement amélioré. Mais elle ne se souvient toujours pas de ses origines.

Sa famille est sans doute de celles qui ont fui en Roussillon et nous pourrions peut -être encore la découvrir un jour ?

Bernard.- Hélas ! j’ai bien peur que tout espoir de retrouver ses parents soit perdu. Les quelques révoltés, les « Faydits » comme on les appelle qui s’étaient exilés ont obtenu leur grâce et sont revenus dans leurs domaines où ils ont retrouvé les leurs et restauré leurs châteaux. Aucun n’a encore réclamé Aurore. Elle finira ses jours parmi nous ; il est bien triste pour elle de n’avoir pu savoir qui elle est et de vivre sans sa vraie famille.

 

Yolande.- Oui, c’est bien triste !

 

Quant à nous, nous vieillirons ensemble dans la paix et le calme au milieu de nos enfants. Nous aurons vécu toujours sans le quitter dans le petit château où nos aïeux sont nés, sont morts et d’où nous entendons sonner les cloches de La Val. Nous dormirons du sommeil éternel à côté de nos pères, à l’ombre du clocher de cette église champêtre dont le carillon a sonné pour notre baptême et notre mariage. Et quand notre dernier soir sera venu, on creusera notre tombe sous les oliviers du cimetière.

Bernard.- Oui, ma chère Yolande, continuons à nous aimer. Nous irons souvent nous asseoir au soleil, sur le même banc d’autrefois, près de la source miraculeuse, le banc de notre jeunesse et de notre amour. Nous y reviendrons pour y parler du passé, de nos souvenirs, de ceux qui nous sont chers et qui ne sont plus.

Si nous n’avons connu que le ciel qui nous a vu naître et la terre où nous dormirons, dis -toi bien, ma mie, que nous n’avons pas été inutiles malgré tout et que nous avons pu faire le bien autour de nous.

Yolande.- Mais oui, mon cher Bernard, t’aimi

 

On frappe. Entre le page

 

ACTE III, Scène 2: Le page, Bernard

 

Le page.- Seigneur, le guetteur annonce du haut du donjon l’arrivée à cheval d’un gentilhomme et d’un damoiseau qui l’accompagne

Bernard.- Bien. Que les hommes d’armes rendent des honneurs avec les cors et introduisez-les ici dès qu’ils auront franchi le pont-levis

Le page sort

 

ACTE III, Scène 3 : Yolande, Bernard

 

Yolande. Qui cela peut-il bien être ? Peut-être une demande en mariage pour Avette ? Bernard.- Ma bonne Yolande, voyons, il te tarde donc bien de te séparer de ta fille ? Yolande.- Oh non ! mais cela me fera tant de peine que j’y pense toujours
Bernard.- Eh bien ! penses-y toujours mais n’en parle pas si souvent

On frappe

Le page.- (entre et annonce) Le seigneur de Roquetaillade et son fils Géraud !
Le page sort 

 

 

ACTE III, Scène 4 : Bernard, Yolande, Gilles de Roquetaillade, Géraud, son fils

 

Gilles et Géraud de Roquetaillade entrent et s’inclinent devant Yolande et Bernard

Bernard. Soyez les bienvenus, messires. Dites-moi le motif de votre agréable visite.

Gilles.- Haut et jouissant seigneur de Castelfizel, béni sois-tu de Dieu. Nous venons, mon fils et moi, peut-être chercher céans un grand réconfort.

Bernard.- Que pouvons-nous faire pour vous ?
Gilles.- Auparavant, daignez écouter le récit de nos malheurs Yolande.- Faites, seigneur, prenez place.
(Ils s’assoient)

Gilles .- Par une sombre nuit du mois de mai de l’an de grâce 1304 , il y a près de vingt ans, je fuyais en Roussillon avec ma jeune femme Bérangère qui venait d’être mère, mon fils Géraud que vous voyez à mes côtés et porté par sa nourrice, ainsi que mon fidèle écuyer chargé de mes biens les plus précieux. J’avais vingt-huit ans et ma femme vingt-deux.

Géraud.- Et moi, j’étais à peine âgé d’un mois

Gilles.- J’avais été impliqué dans un complot fomenté par plusieurs seigneurs de mes amis à l’instigation de Pierre de Fenouillet qui avait été dépossédé de ses terres et qui voulait faire passer le pays sous l’autorité de Jayme premier, roi de Majorque, prince doux et aimable, qu’on appelait lo bon rey et qui avait promis de nous maintenir dans tous nos droits et de respecter nos libertés .

Accusé de félonie par le sénéchal de Carcassonne, je fuyais en toute hâte vers Ille, dans la vicomté de Pierre de Fenouillet, lorsque nous fûmes assaillis par des bandits postés près d’ici au col de la Palme. Ma femme fut blessée en défendant son fils. La nourrice portant l’enfant put s’enfuir et moi, je restai sur place avec mon écuyer, évanouis et ensanglantés.

Yolande.- Mon Dieu !

Gilles- La fraîcheur de la nuit me réveilla. Je me mis à la recherche des miens. Derrière un rocher, je trouvai la nourrice qui tenait mon enfant et le réchauffait sur son sein, ( avec tristesse) mais nous n’avons pu retrouver ma femme.

Yolande.- Doux Jésus !

Bernard.- Mais pourquoi n’avoir pas réclamé du secours en ce château qui était tout près ?

Gilles.- Je m’en serais bien gardé car je savais que ton père, pour sa loyauté envers le roi de France, était connu sous le nom d’Armand de Foitenant, que sa forteresse avait toujours fait bonne garde et avait mérité du bon roi Louis, neuvième de nom, le beau titre de Castelfizel., votre famille ayant toujours été vaillamment fidèle à sa cause.

Nous avons donc passé plus de quinze ans en Roussillon dans la tristesse et le deuil. Enfin, sur les instances du roi de Majorque, le roi de France daigna m’accorder sa paix et son merci. Je fus remis en possession de mon fief et je suis resté son féal à la vie et à la mort.

Yolande.- Mais, seigneur, cela ne nous dit pas le motif de votre visite...

 

Gilles.- J’y viens. Il y a quelques jours à peine, j’étais de passage et me suis arrêté pour prier dans l’église de Notre-Dame de La Val ; j’ai aperçu sur l’autel un magnifique bouquet d’iris ; ces fleurs d’un indigo profond ont fait remonter dans ma mémoire les jolis bouquets que Bérengère, ma chère et tendre épouse, confectionnait au début de notre union au temps du bonheur....( il ne retient plus ses larmes et ne peut plus parler).

Géraud.-(consolant son père)Le curé qui s’est présenté comme étant le père Athama a dit à père que ce bouquet avait été déposé par une dame inconnue que vous aviez recueillie en votre château, il y a environ vingt ans....Nous sommes quasi persuadés qu’il s’agit de ma chère maman.

Bernard.- (Bouleversé, il se lève et crie) Avette ! viens vite avec dame Aurore, ta seconde mère !


Elles entrent se tenant par la main. Remue-ménage dans l’assistance. Gilles se précipite vers Aurore, lui

prend la main, vérifie l’anneau

 

ACTE III, Scène 5 : Bernard, Yolande, Avette, Aurore, Gilles, Géraud


Gilles. (
s’écrie) - Bérangère, ma Bérangère, c’est bien toi, que Dieu soit loué !

(Il l’embrasse en criant): Bérangère, je suis Gilles, ton époux,(il la secoue par les épaules) Gilles, entends-tu bien, Gilles avec ton fils Géraud....

Bérangère pousse un cri et s’évanouit. On la porte sur un siège et on essaie de la ranimer.

Gilles.- Bérangère, ma chère femme, tu ne me reconnais plus. Je suis ton mari, Gilles de Roquetaillade.

Géraud.- Mère, maman !! c’est moi, Géraud, ton fils, ton enfant, rappelle -toi, maman ! (il pleure, le visage contre celui de Bérangère)

Bérangère.- (revenant à elle, elle ouvre de grands yeux, tremble de tout son corps et porte la main à son front) Oh oui ! enfin je me souviens ! Gilles, mon bien-aimé, Géraud, mon enfant !

Elle tombe dans leurs bras, ils pleurent et s’embrassent. Les autres, émus, détournent la tête pour cacher leurs larmes.

Avette.- Petite maman, te voilà heureuse désormais .... et j’ai gagné un frère
Bérangère.- (Les mains jointes, les yeux au ciel ) Oh ! Vierge de La Val, merci ! je me souviens !!!

 

Le narrateur :

Gilles et Bérangère, complètement guérie, restèrent avec leur fils, Géraud, quelques jours au château, la dame de Roquetaillade ne pouvant se décider à quitter ses bienfaiteurs.

Au printemps de 1324, au château de Castelfizel, au milieu d’un grand concours de seigneurs et d’amis, on célébra à grand’joie, le mariage d’Avette et de Géraud. Le père Athamas, alors âgé de 89 ans, bénit leur union dans l’église de Notre Dame de La Val. Et comme dans tous les contes, ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

Scène de liesse générale. Tous les acteurs dansent (Ductia par exemple)

 

Fin de la pièce

Ce dessin de CastelFizel reconstitué est de Jean-Paul Tricoire. Pour les Journées Européennes cette pièce est présentée avec des illustrations sur le site d'Arts en Fenouillèdes que l'on peut voir en cliquant sur le bouton dédié (en bas de page).